Grand Blanc, La Gaîté Lyrique
- nodiscomedia
- 6 déc. 2023
- 3 min de lecture
Des accréditations de festival ou de rave, j’en ai déjà eu un petit paquet, je sais comment ça fonctionne. Pour les concerts, ce soir c’est la première fois. Il fait un temps terrible alors je m’emmitoufle comme je peux, et je me dis que quarante minutes d’avance, c’est pas mal. 18H50, j’arrive à la Gaîté Lyrique, je cherche quelques informations et ce n’était pas quarante minutes d’avance que j’avais mais soixante-dix. Mon retard chronique en a pris un sacré coup. Je prends mon mal en patience et j’attends dehors, longtemps. Au bar en face de moi, je vois le saxophoniste Adrien Soleiman ; s’il vient jouer ce soir, la soirée risque d’être vraiment belle.
Les portes ouvrent, j’entre et je passe récupérer mon invitation. On me donne un autocollant : Grand Blanc, 30/11/2023, Pass Photo. Je pars poser mon manteau et je m’approche pour la première fois de la grande salle. Couverte d’un plastique argenté et matelassé réfléchissant, le grand poster de Grand Blanc s’y reflète dans les capitons. J’entre et tout est très sombre, je distingue à peine les quelques silhouettes déjà installées devant la scène. Je prends place dans la spatio-capsule, éclairée par quelques néons bleus couchés aux murs.


Mon corps est collé au plancher de la scène, et ça me rappelle à quel point les Bercy et compagnie me sont impersonnels, toujours noyés dans une foule que les artistes ne voient jamais.
Sous les gros rideaux de velours, des paires de pieds qui dépassent ; deux régisseurs ouvrent les pans, tentant avec un peu de mal une coulisse parfaite. La première partie se lance : Adrien Pallot au synthé, et Pierre Piezanowski à la guitare. Ils commencent à jouer doucement, timidement presque, sous ces rideaux qui les laissent apparaître comme sous un gros nœud cocktail. J’entends le bruit des cordes pincées qui raisonnent dans la guitare, et petit à petit, les arpèges arrivent dans les ampli qui diffusent la musique de plus en plus fort. Adrien Pallot et Pierre Piezanowski nous font décoller progressivement vers un autre espace temps, une bulle de trans, que je remarque dans les paupières closes du public.
Trente minutes, la musique s’éteint, et le nœud cocktail se referme sur les deux musiciens, qui n’auront pas dit un seul mot de tout le show.


Une petite demi-heure plus tard, les rideaux sont à nouveau ouverts, cette fois-ci en grand. À gauche, des synthé qui lancent le concert, quelques guitares, et une lumière bleue qui irradie la scène par l’arrière, ne laissant naître que des ombres noires. Et alors la falaise s’illumine de blanc, une harpe apparaît. À mesure que la brume se dissipe, Camille Delvecchio inonde la salle, céleste. Les voix finissent par se mêler, lient les timbres, marient les rythmes des guitares, et le concert devient un tout, une grande chanson qui ne s’arrête pas. Le public est d’un calme légendaire, quelques wouh ! lancés à la fin des morceaux.


Ça ressemble presque à une performance où chaque vibration est instantanément réfléchie et ressentie, où tout a un sens. Grand Blanc nous raconte une longue histoire que nous écoutons dans une cohésion silencieuse. Adrien Soleiman et son saxophone s’enveloppent dans la lumière dorée pour un instant, le temps d’un solo grave, mélancolique presque, puis disparaissent dans la scène sombre. Les couleurs s’offrent, généreuses, et les cœurs cèdent aux premières notes d’Ailleurs.


Ça y est, le concert est terminé, j’arrive à monter de justesse dans le dernier métro, direction Clignancourt. Il n’y a pas grand monde. Je n’ai pas mis mes écouteurs, j’écoute le vide qui m’entoure.
Ce soir, la Gaîté Lyrique s’est envolée.

© hortenser pour nodisco




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