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Au pire, je vire

  • nodiscomedia
  • 8 sept. 2023
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 mars 2024

Les concerts pour moi, c’est comme le cinéma. J’aime la séduction j’aime les surprises, alors je ne regarde aucune bande annonce. Pour la musique c’est pareil, j’y vais à l’aveugle.

Ce premier septembre, j’étais au Festival RTL2 Essonne en Scène, un petit badge « photo/vidéo » autour du cou. D’ailleurs on va l’appeler le FREES.

J’avais envie de fêter la fin de l’été et le début de l’année, je voulais un peu de nouveau à photographier alors j’ai envoyé des mails. Beaucoup de mails. Tu t’en fous de forcer, au mieux t’y es au pire tu vires.

J’ai bien fait d’insister et de contacter les 56289 personnes de ce festival car à la fin août, c’était mon tour de recevoir un mail.

Jour J. Je charge mes batteries, je prends une pellicule (oui, une seule, restriction budgétaire) et je démarre la voiture. Une heure de route pour y aller, c’est quoi dans une vie ? Ce n’est jamais que trois départements à traverser. Je sillonne l’Île-de-France, je brave les 47 (÷ 10 pour plus de réalité) accidents de voitures en travers de ma destinée (le FREES) et je caresse les routes de campagne (je m’y perds).

Je suis -très- en retard, mon front dégouline et ma frange ne ressemble plus à rien mais ça y est, je suis dans le crash. J’y ai droit d’asile pour les deux premiers show et après ça finito, il faudra que je m’en aille.

Je me retrouve dans une houle de photographes envoyés de gros médias, munis de monstres aux objectifs plus longs qu’une courgette de jardin. Je charge la pellicule dans mon petit argentique et j’allume mon numérique, à l’objectif de la taille d’un radis, et la petite voix dans ma tête me dit que mes photos pourraient être, à l’unanimité, mauvaises. Mais j’ai ce joli collier cartonné sur la poitrine alors il faut l’honorer.

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Milieu du show de Dynah, nouveau talent essonnien. Une allure de Brigitte en trio sur la scène, les yeux concentrés sur le lointain bout de l’immense foule du festival.

Ses chansons ondulent. Électronique, héritage Y2K, un carillon et deux cymbales.

Puis la pluie.

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Et Zaho de Sagazan arrive. Elle fait partie de ces chanteuses à la voix grave, ces chanteuses aux blagues un peu bizarres qui font sourire, pendant que les corps se tordent mollement dans des paroles puissantes et cinglantes.

J’entends derrière moi ZAHO JE T’AIME.

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Est-ce qu’on crie si fort à une inconnue qu’on l’aime ? Elle sourit et lui répond d’une bouche muette, les yeux plissés et les pommettes qui touchent le ciel « moi aussi ». C’est doux et c’est beau, c’est compliqué et ça glisse.

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Je suis amoureuse de l’inconnu et de sa mélodie. Elle danse et alors tout le monde danse, elle crie et tout le monde crie, puis la musique se coupe et la scène est vide.

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M'y voilà, mon tour est terminé, il faut que je quitte le crash. Mais qui ne tente rien n’a rien. Au mieux je reste, au pire, je vire. Je me mets devant l’avancée de scène et fais semblant d’être à l’aise. Vous savez, comme ces quadragénaires qui attendent dans un café, la cheville difficilement ramenée sur la cuisse ?


Marc, 43 ans, ouvert aux expériences et en quête de sensations fortes, ce soir c’est moi.


Je compte les minutes avant que quelqu’un ne découvre le pot aux roses. 20h50, les lumières jaillissent et mon cœur fait un bon. Je regarde à droite puis à gauche, et finalement, tout le monde s’en fout que je sois là. J’envoie un sms à mes amies pour les relaxer de leur job (= prier pour que je puisse rester), et la musique démarre.

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Le public brandit pancartes et t-shirt floqués, certains hurlent de leurs poumons, d’autres de sourires timides ; toutes et tous soulagés qu’enfin, l’éternel bouquet de roses blanches apparaisse dans la fumée, et que Juliette Armanet tournoie, les bras en croix.

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Piano, danses déchaînées et génies sur scène, je bombarde. Mes appareils photo suent et le plancher vibre, frappé par les ondes et les bottes à talons. Je n’ai que 10 minutes pour faire LA photographie du concert ; j’aimerais être à droite, à gauche, sur scène, dans la foule, aux guitares. Mais qu’est-ce qu’elle bouge ! Le temps d’une seconde j’ai peur de ne rien pouvoir faire exister de ce moment. Et puis… au pire ?

Avec Juliette, les envoutements durent trois chansons.

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Ça y est, on doit toutes et tous quitter cet heureux couloir pour braver la foule. Je m’assois par terre, et je suis contente. Le temps passe, je regarde les festivaliers autour de moi. Très jeunes ou plus vieux, endormis sur une couverture de pique-nique ou excités du show qui clôturera cette première soirée. Il y a un peu de tout sur cette pelouse.

La nuit est tombée et le sol a séché.

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Et comme une apparition fantomatique, l’homme aux cornes entre sur scène. Ses cordes de guitare vibrent et lui se fige vers le ciel. Hurlements. -M- enflamme le festival. Gare à quiconque essaye de passer devant.

Je me berce dans les archives de mon enfance, et je me retrouve là, seule et statique dans une foule emportée. Je tiens un carton de pizza un peu dégueu à la verticale ; l’angle atteint mon genou, et il y flotte au rythme de la caisse claire. Si rien ne naît de mes mains ce soir, ce moment là persistera.

Une chanson, puis deux, trois, quatre et il faut que je prenne la route.

Je me dis qu’au lieu de contourner la masse humaine je vais la traverser pour faire quelques dernières photos. Alors évidemment, je m’engueule entre deux bonnes rencontres.

L’ouverture de la foule rouge dure le temps d’une chanson, le temps d’un duo improvisé avec Juliette.

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Je quitte le festival avec 6% de batterie et je m’en vais vers une autre région. Bientôt dix ans que je conduis, c’est ce soir que je m’initierai aux cartes et panneaux routiers, avec en compagne de route cette terrible et sempiternelle fin de pizza.

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Remerciements au Festival RTL2 Essonne en Scène et à Marie Britsch.

©Hortenser pour nodisco

 
 
 

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© 2023 par Hortense Raynaud.

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